mercredi 25 février 2009

Otan : Les enjeux

Nicolas Sarkozy se prépare à officialiser le retour de la France dans l'OTAN. Peu de commentaires sur le sujet et pourtant des conséquences considérables

Depuis plus d'un demi-siècle la France a tenu, non sans succès, à se démarquer des choix imposés aux membres de l'Otan par les Etats-Unis. l'Otan est et restera malgré le Président Obama un instrument de projection de puissance militaire et industrielle

Pour ceux qui n'en connaîtraient pas la genèse, nous vous proposons ci-dessous une courte présentation.

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord - OTAN (NATO - North Atlantic Treaty Organisation en anglais) est une organisation politico-militaire créée à la suite de négociations entre les signataires du traité de Bruxelles (la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni), les États-Unis et le Canada ainsi que 5 autres pays d'Europe Occidentale invités à participer (le Danemark, l'Italie, l'Islande, la Norvège et le Portugal), pour organiser l'Europe face à l'Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale. Le siège de l'OTAN se trouve à Bruxelles et son commandement militaire (SHAPE) à Mons (Belgique) -Site officiel

L'OTAN cherchera, plus que jamais, à susciter des situations d'affrontements bénéficiant à l'appareil militaro-industriel qui constitue dorénavant la principale charpente –(Caucase, Irak) Certains Européens veulent croire que, confrontés à la crise économique et devant restreindre leurs engagements militaires, les Etats-Unis prendront un ton plus conciliant à l'égard de la Russie, de l'Iran, des pays d’Asie.

La France une fois bâillonnée par son appartenance à l'Otan, ne pourra plus, contrairement à ce que prétend Nicolas Sarkozy, faire entendre une éventuelle petite musique contraire. Elle sera devenue inaudible.

Carte des pays membres de l'OTAN - NATO - (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord - North Atlantic Treaty organisation)

Dans la perspective de protéger la souveraineté militaire et politique de la France, Charles de Gaulle avait défendu avec succès il y a 50 ans un point de vue contraire, en développant des moyens de défense dits du faible au fort. Aujourd'hui, le même raisonnement devrait être transposé à l'Europe toute entière et ce devrait être à la France, avec le reliquat des moyens de puissance qui lui restent, de convaincre en ce sens les autres Etats européens et les institutions politiques de l'Union

Une défense entièrement européenne, indépendante de toutes autres, s'impose plus que jamais. Elle doit disposer en propre non seulement des forces de projection mais de tous les matériels et technologies nécessaires à la souveraineté terrestre, aérienne et maritime relevant des compétences de l'Union.

Il faudra y consacrer des centaines de milliards d'investissements. Mais ceux-ci, non délocalisables et automatiquement protégés, permettront l'acquisition des compétences scientifiques et économiques indispensables à des économies civiles modernes.

Si l'Europe disposait rapidement de telles forces et ressources, même en cas d'aggravation catastrophiques des tensions, elle aurait une grande chance de se faire entendre. Mais certains préfèrent la sécurité du « parapluie » US.

Quid de l’Europe ?


Eric Campion

lundi 23 février 2009

Pilotage à vue

Notre Président de la République vient de se rendre compte que des personnes et des familles vivent des jours difficiles, confrontées au problème de l'emploi et à un niveau de vie incertain voire en baisse. C'est une heureuse nouvelle ! Non seulement pour des raisons matérielles, mais aussi pour des raisons morales : les personnes qui subissent la crise n'en sont aucunement responsables, et il devenait de plus en plus insupportable de consacrer autant de milliards à la relance d'un système en faillite, sans accorder aucun centime à ceux qui en sont victimes.

Bien sûr, certains expriment des critiques élogieuses sur les mesures annoncées ce mercredi 18 février, et d'autres des critiques négatives. Mon propos d'aujourd'hui est autre. En effet, je suis frappé par l'incohérence des choix et des actions menés par notre Gouvernement depuis bientôt deux ans. Commençons par un sujet qui me tient à coeur, que nous avons encore évoqué dans un précédent article : la bonne gestion des deniers publics. Nicolas Sarkozy ne cesse de vouloir rassurer nos partenaires européens à ce sujet : en juillet 2007, il s'était engagé à ce que notre déficit public ne dépasse pas 2,4% du PIB (il s'est établi à 2,7%...). Puis, en 2008, il s'est engagé à ramener nos finances à l'équilibre en 2012. Notre Premier Ministre a même déclaré que notre Etat était presque en « situation de faillite ». Certes, un peu de souplesse budgétaire s'avère nécessaire et légitime pour faire face à la crise. Mais nous dépassons toute mesure ! Nos partenaires européens viennent d'ailleurs de nous le rappeler par la voix de la Commission européennne, en estimant que notre déficit public atteindrait environ 5,5% de notre PIB à la fin de l'année...

Chaque candidat à l'élection présidentielle de 2007 a pu prendre connaissance du diagnostic et des préconisations du rapport Pebereau publié en 2005 sur nos finances publiques. L'une d'elle était de réduire nos dépenses structurelles de fonctionnement avant d'engager la moindre baisse de fiscalité. Notre Président a fait tout le contraire en instaurant, dès son élection, le fameux « bouclier fiscal ». Aujourd'hui, il persiste et signe : suppression des recettes publicitaires dans l'audiovisuel sans plan de substitution ; suppression de la taxe professionnelle sans présenter le moindre projet palliatif (et sans même attendre le résultat des travaux en cours sur la Réforme de l'Etat...) ; diminution de l'impôt sur le revenu ; dépenses aveugles et arbitraires dans des actions de soutien à l'économie, telles que les 20 milliards d'euros consacrés à la création d'un « fonds souverain à la française », ou les 6 milliards d'aides pour nos grands constructeurs automobiles (qui se sont engagés à « tout faire pour ne pas licencier », c'est-à-dire à rien du tout !).

Avec ses 1000 projets sur étagères (ou re-sortis des étagères), avec ses mille et une idées, ses mille et une actions, ses mille et un discours volontaristes, le Président Sarkozy donne l'impression de toujours partir de rien. Il semble par exemple oublier les quelques 300 propositions (bonnes ou mauvaises) du rapport Attali d'il y a un an, tout comme le rapport parlementaire de Christian Blanc sur « l'éco-système de la croissance » publié en 2004. Pendant 2 ans, il a mené une politique de croissance par la demande : baisse de la fiscalité (des plus riches), politique de pouvoir d'achat (réussie ou non), creusement des déficits (bien réel),... Aujourd'hui, il trouve soudainement ridicule toute relance par la demande, et devient un inconditionnel de la relance par l'offre...! A force de gesticuler dans tous les sens, en particulier dans des directions opposées, à force d'ouvrir cent chantiers simultanés sans les mener à leur terme, à force de vouloir passer en force sans comprendre l'importance du lien humain dans toute réforme, il risque d'arriver au même résultat que son prédécesseur : l'immobilisme ... !

Au fond, ce pilotage à vue traduit une incapacité à prendre du recul et à comprendre les crises que nous traversons. Quel dommage de ne pas avoir profité de la Présidence de l'Union européenne pour proposer un plan de relance européen ! Au lieu de cela, chacun conçoit un plan de relance national, qu'il espère meilleur que son voisin. Un plan qui vise à vendre davantage de produits et services à ses partenaires tout en évitant soigneusement qu'il ne facilite l'achat de davantage de produits et services auprès de ces mêmes partenaires. Un tel retour affiché et insidieux au protectionnisme me paraît tout à la fois stupide sur le plan économique, dangereux sur le plan géopolitique (et donc pour la stabilité et la paix), et choquant sur le plan de la solidarité entre les peuples.

Quel dommage de vouloir faire repartir un système capitaliste à bout de souffle avec des recettes traditionnelles, qui n'ont d'exceptionnelle que l'ampleur des moyens financiers engagés (non sans risques...) ! Quel dommage d'être si aveuglé par la crise économique et financière qu'on en oublie les crises morale, écologique, sociale, de partage équitable, autrement plus graves et profondes que cette crise économique et financière, qui n'en est d'ailleurs peut-être qu'un symptôme... Quel dommage de revivre ce débat stérile entre la relance par l'offre ou par la demande, guidé, une fois de plus, par une vision bipolaire et manichéenne, alors que les deux sont indispensables et que les vraies questions de fond sont à mon avis les suivantes :

De quel type de croissance a-t-on besoin ?
Comment faire de la croissance « durable » ?
Comment relocaliser les activités économiques ?
Comment réaménager les territoires et les bassins de vie en visant le mieux-vivre et le bien-être ?
Comment réduire les transports et les activités polluantes ? Dans quels secteurs d'avenir, utiles pour un développement et une société « durables », investir ?
Comment les promouvoir et les faire émerger ?
Comment aider nos PME dans leur trésorerie et leur développement ? Etc, etc...

Espérons que les élections européennes, les prochaines réunions du G20, du G7 et autres grandes institutions internationales posent le débat au-delà de la seule régulation des marchés financiers. Espérons que des idées et des solutions soient enfin proposées, étudiées et mises en oeuvre pour répondre à ces enjeux et pour traverser, avec un vrai cap et sans trop d' encombres, la période de transition (pour ne pas dire de révolution!) que nous vivons à l'échelle de la planète.


Lionel Lacassagne